Venise
Cité des Doges, Sérénissime, Venise exerce un pouvoir de fascination incontesté par-delà les frontières depuis des siècles. Pour tous ceux qui venaient d’Europe occidentale, la Cité éternelle marquait la porte d’entrée en Italie. Fuyant une certaine déroute de la société hongroise, Dezső Kosztolányi s’y est lui-même rendu à maintes reprises, développant une véritable obsession pour cette ville. De sorte que s’il goûte indéniablement la beauté des sites mondialement connus, il arpente davantage les ruelles et les îlots plus reculés, dévoilant la Venise des autochtones mais aussi celle des étrangers, installés durablement ou simplement de passage. De « sa » Venise dépeinte au fil des décennies se dégage une rêverie empreinte de mélancolie autant que de son humour légendaire. En marge des lieux communs, par petites touches impressionnistes, c’est l’âme de cette ville que Kosztolányi nous invite à percevoir.
Dezső Kosztolányi
Dezső Kosztolányi est né le 29 mars 1885 dans une ancienne province de l’Empire Austro-Hongrois. Célèbre dès 22 ans avec un premier recueil de poèmes, il est l’un des auteurs les plus lus de sa génération – celle de Krúdy, Füst, Karinthy… – la première génération de l’illustre revue moderniste hongroise Nyugat. Auteur prolifique, polyglotte, traducteur de Shakespeare, Rilke, Baudelaire, Valéry et de nombreux poètes chinois, Kosztolányi est au sommet de sa gloire dans la deuxième moitié des années 1920. Le chemin d’écriture qu’il a suivi jusque-là – il a déjà écrit plus des deux tiers de son œuvre –, les genres « trop parfaits » qu’il a pratiqués – romans, nouvelles, poésie, essais, journalisme –, l’ont mené cependant vers une douloureuse impasse artistique. Considérant qu’il n’y a pas d’art plus grand que celui d’éliminer, Kosztolányi privilégiera dès lors la forme brève, s’efforçant de retrouver la totalité dans le fragment, de jouer librement avec l’immense sujet de la vie. Kosztolányi est mort à Budapest le 3 novembre 1936.
Cambourakis, 2017
Traduit par Cécile A. Holdban