Les Lettres de Turquie de Kelemen Mikes, sont publiées pour la première fois en 1794, plus de trente ans après la mort de leur auteur. La langue utilisée est le hongrois avec de fréquents emprunts au dialecte transylvain. Cette œuvre marque une étape importante dans la littérature hongroise et dans les liens qui l’unissent au patrimoine européen. Rédigées par le chambellan du prince François II Rákóczi, ces lettres s’adressent à une interlocutrice imaginaire, sur un ton alternativement grave et léger. Faits de la vie quotidienne, anecdotes tirées de lectures, remarques sur la vie des émigrés hongrois en Turquie, descriptions de l’Empire ottoman, bavardage affectueux alimentent une correspondance couvrant quarante années de la vie de Mikes. Ces lettres expriment un exil à la fois douloureux et résigné, celui des compagnons du prince François II Rákóczi. Après avoir séjourné en France, confiants dans son soutien à leur lutte contre les Habsbourg, ils doivent se réfugier sur le territoire de la Sublime Porte. Cette œuvre témoigne d’une attente, celle d’un retour, toujours différé vers une patrie qui ne cesse de s’éloigner. L’espér ance déçue débouche sur un retrait progressif du monde. Dès lors la littérature devient un espace nécessaire, un refuge où peuvent se déployer les artifices de l’écriture et les chatoiements de l’imagination. Ils sont alimentés par la lecture et le dialogue avec des œuvres épistolaires et historiques le plus souvent en français, la marquise de Sévigné y côtoie Marie-Angélique de Gomez ou l’abbé Chomel. Cet apport confirme les relations étroites et chaleureuses entre les cultures françaises et hongroises, elles se tissent sous les yeux du lecteur, dans un univers dominé par la bienveillance de Kelemen Mikes, exilé curieux et mélancolique.
Editions Honoré Champion
Edition établie sous la direction de Gábor Tüskés
Avant-propos d’Antal Szerb
Préface de J.Béranger. Traduites du hongrois et annotées par K.Kalo et T.Fouilleul. Avec des notes hist de F.Toth. Éd. revue par Michel Marty