Au nord par une montagne. Au sud par un lac. À l’ouest par les chemins. À l’est par un cours d’eau. de László Krasznahorkai

Composé de 49 courts chapitres numérotés de II. à L. – le premier chapitre est absent –, le roman retrace la visite d’un personnage dans une ville de la périphérie de Kyoto, de son arrivée à la gare, jusqu’à son départ de cette même gare, le soir. Cet homme, d’une beauté saisissante, vêtu du kimono traditionnel, est désigné comme le petit fils du prince héros de l’oeuvre fondatrice de la littérature japonaise, le Dit du Genji. On comprend bientôt que cet homme est, depuis des siècles, à la recherche d’un jardin, but de sa visite en ces lieux. Il chemine dans une atmosphère étrange, mélange de Japon actuel, décrit dans ses détails les plus prosaıques, et d’un Japon éternel, comme soustrait à la temporalité. Les rues, le monastère qu’il découvre sont totalement déserts, vidés de leurs habitants. D’autres personnages traversent cet espace, sans jamais se croiser : un chien battu, qui se traıne jusqu’à un gingko centenaire pour y mourir, trois hommes chargés d’accueillir et d’accompagner le petit fils du prince, déambulent dans les ruelles, ivres morts. Ces parcours erratiques font, chacun à leur manière, écho à la quête de beauté et de perfection représentée par l’idée de jardin secret. Le petit fils de Genji reprendra le train sans avoir découvert ce jardin, gardant en lui son image idéale.

Remarquablement écrit et composé, ce livre demeure ouvert à de multiples interprétations. Ponctué de considérations philosophiques et esthétiques, mais aussi de chapitres largement nourris de science (ainsi des passages consacrés aux vents ou à la formation de l’humus), le texte ne cède jamais à l’exotisme, mais constitue un hommage tout à fait personnel à la culture japonaise, que Krasznahorkai s’approprie avec intelligence et liberté.

László Krasznahorkai

Né en 1954, Lázló Krasznahorkai est l’un des écrivains hongrois contemporains les plus importants, auteur d’une dizaine de livres, romans, nouvelles et essais. Il poursuit un projet littéraire ambitieux, totalisant, qui culmine dans son roman Háború és háború (Guerre et guerre) que les éditions Cambourakis traduiront prochainement  Son style est caractérisé par une prose étirée, enveloppante, parfois labyrinthique, d’une extrême acuité.

Traduite dans une dizaine de langues, son oeuvre a été plusieurs fois primée, dans son pays et à l’étranger : il a notamment reçu le prix Kossuth, la plus haute distinction littéraire en Hongrie, en 2004. Seuls deux de ses romans ont été publiés en France, aux éditions Gallimard : Le Tango de Satan, en 2000, et La Mélancolie de la résistance en 2006.

Editions Cambourakis, 2010
Traduit du hongrois par Joëlle Dufeuilly