Dans cette nouvelle fiction, László Krasznahorkai interroge la nature humaine, les illusions, la perfidie, la trahison, la paranoïa, offrant une rhapsodie fantaisiste sous haute tension (et un condensé très maîtrisé des motifs qui traversent l’ensemble de ses écrits) où se répercutent de l’un à l’autre des huit mouvements qui la compose de multiples échos.
Qu’il s’agisse de ressortissants pris au piège d’une attente insoutenable alors qu’ils s’apprêtent à s’exiler, de la vengeance exercée par un piégeur professionnel à l’encontre de ses concitoyens ou de la fuite d’un homme en supposé danger, l’irrésistible drôlerie du grand prosateur hongrois se révèle toujours aussi percutante.
« Je compris aussitôt que ce que j’attendais depuis si longtemps se trouvait là, à portée de main. J’étais certain en effet que le monde, qui se consumait sous l’emprise défaillante de l’amour, devait posséder un noyau vivant d’une plénitude infinie, un point nodal où toute forme de vie puisse refluer pour s’y ressourcer à l’inépuisable lumière de l’astre salvateur, tant il me semblait incontestable que lorsque, jour après jour, je me mêlais à mes semblables et inspirais, avide, le souffle de bonté qui se dégageait d’eux, la force trop souvent contenue de l’amour n’était plus, sur tous ces visages, qu’une ombre vague – le reflet d’une lointaine mais irrésistible splendeur créatrice. »
Vagabonde, 2015
Traduit par Marc Martin