A la fin des années 1920, au sommet de sa gloire, Dezső Kosztolányi eut l’idée d’endosser les humbles habits d’un enquêteur pour croquer sur le vif les représentants, le plus souvent anonymes, des métiers les plus divers. Trente-cinq de ces entretiens, de la sage-femme au fossoyeur, sont présents dans ce recueil. Ces Portraits brossent en quelques échanges enjoués une personnalité ; les questions y sont toujours pertinentes, souvent surprenantes, et fouillent dans la vie, les anecdotes, les pensées d’une femme de ménage légère et rieuse, d’un éboueur bourru ou encore d’un imprimeur consciencieux.
Capable d’apartés hilarants, Kosztolányi donne à lire, à travers l’ironie, la tendresse et l’empathie pour les êtres simples qui caractérisent son art, une étude de mœurs vive et fascinante. On y retrouve son amour de la littérature, ses réflexions sur le métier d’écrivain et sa vive attention au langage alliant la clarté française au sens très aigu des ressources de la langue hongroise. Mais ces Portraits permettent surtout à Kosztolanyi de se demander ce que signifie pour ses semblables l’existence elle-même.
Son propos lui est suggéré par sa conviction originale que la vie est un miracle pour lequel on se doit de lutter. La façon qu’ont le barbier, la choriste, le photographe ou le diplomate, et bien sûr l’écrivain, de vivre ce miracle, sont des réponses à la question : la vie vaut-elle d’être vécue ? De cette brillante confession inédite en français, que l’on peut considérer comme une trouvaille hors pair du point de vue du genre, on s’en délectera à plus d’un titre.
Editions La Baconnière, 2013
Traduction : Ibolya Virág avec la collaboration de Michel Orcel