Le narrateur de cet Évangile selon Marc ne parle pas. Sa mère, son père, son frère et ses deux grands-mères le croient sourd-muet. Et pourtant, c’est lui qui raconte l’histoire.
La famille, considérée comme «ennemie du peuple», a été chassée de Budapest pour travailler sous la surveillance d’un paysan. La nuit, dans l’unique chambre, le jeune garçon écoute les disputes de ses parents et rêve de la voisine. À force d’entendre sa grand-mère douter du dessein divin, il commence à s’identifier au Petit Jésus accroché au mur, sourd-muet lui aussi. Mais le plus solitaire, c’est Dieu, le grand silencieux, qui, lui, n’a personne à qui adresser ses prières.
La Version selon Marc peut se lire comme le récit d’une enfance hongroise d’après-guerre. Mais au-delà de cette simplicité apparente, l’auteur ne renonce jamais à l’humour, à l’impertinence et au jeu sur les références littéraires, qui lui sont propres. L’Évangile selon saint Marc, marqué comme aucun autre texte biblique par le doute mystique, se mue sous la plume d’Esterházy en une réflexion humaine, religieuse et littéraire à la beauté profonde.
Gallimard, 2017
Traduit par Agnès Járfás